Chaque année les primeurs de Bordeaux mettent en émoi le monde du vin. Chaque année la même rengaine, chaque année le même discours. « Les vins sont magnifiques et ils vont être encore plus chers que l’année dernière. » ou « Ce n’est pas moi qui fait le prix, c’est le marché ». Mais au final qu’est ce que les primeurs : et bien ce sont des vins qui viennent juste de finir la fermentation Malo lactique (la deuxième fermentation après l’alcoolique) donc pas vraiment encore au point. Bien sur aujourd’hui tous les châteaux trichent et proposent à la dégustation en primeur des vins améliorés par leurs meilleurs œnologues (produits chimiques et assemblage seulement d’une partie des vins). Et pourtant la sphère vins continue à s’extasier devant ce montage financier qui ne permet qu’aux Châteaux les plus riches de dégager une trésorerie énorme qui bien placée pourra leur rapporter des dividendes importants. Ce sont les mêmes qui compte tenu de leur notoriété et du système bordelais n’ont pas besoin de forces de vente et donc beaucoup moins de frais que les milliers de petits Châteaux bordelais. Leurs produits dits « de luxe » sont diffusés dans des quantités énormes (100000 à 200000 bouteilles en moyenne pour les 1er grand cru classés) et l’exclusivité revendiquée n’est pas vraiment justifiée puisqu’on peut être sûr que quelques années après les vins se retrouveront en tête de gondole de votre supermarché local. Les prix sont souvent justifiés par la loi du marché (offres et demandes) mais en fait la mécanique est beaucoup plus complexe et au final rien ne justifie les prix astronomiques atteints ni l’offre ni la demande.
Les vins de Bordeaux (Grand Crus et assimilés) ne sont plus aujourd’hui un produit de plaisir et de partage mais un produit spéculatif aussi rentable qu’une action Total. D’ailleurs depuis quelques temps certaines banques proposent des placements financiers en vin, plus sûr et plus rentable que la Bourse. Tout ces bouleversements au détriment du consommateur car les vins ne sont plus bus mais juste entreposés dans l’attente d’une revente en attendant de dégager une plus value juteuse. Bien sûr ce business ne tient pas compte de la maturité et de la buvabilité des vins.
Au final, que reste-t-il du vin, du terroir et du savoir faire ? Quelqu’un peut il me citer un vigneron Bordelais (pas un Château) ? Qui est le vigneron de Latour? Ou la spécificité du terroir de Pauillac ? Comment expliquer une telle effervescence autour d’un événement qui, il y a quelques années ne concernait que les propriétaires et les négociants. Comment expliquer l’intérêt pour les journalistes et les critiques de déguster des vins trafiqués, pas prêts et jeunes ? Comment juger de la qualité d’un vin et de son prix alors qu’il lui reste encore deux ans d’élevage ? Toutes ces questions et surtout leurs réponses me semblent abstraites et injustifiables.
Mais je comprends pourquoi de nombreux vignobles Français et Internationaux envient le système Bordelais. Car si tous les vignobles avaient eu la chance d’adopter un système pareil par le passé, il n’y aurait pas de vignerons pauvres.